Une épreuve physique et psychologique immense imprégnée de ressentis de violences, de douleurs, d’injustice et de culpabilité pour un grand nombre de parents. Perdre son enfant in utéro produit un choc bouleversant pour les parents car cet événement est non attendu, ni même envisagé. Au contraire les parents sont en attente de cette rencontre si intense et si désirée avec leur enfant. Cette annonce de décès est ressentie comme si cruelle et incompréhensible que vos réactions sont souvent de nier les propos de l’équipe soignante puis de vous effondrer lorsque la réalité reprend sa place dans votre vécu psychique et aussi corporel. Un éclaircissement sur le deuil périnatal peut vous aider à comprendre ce qui se passe pour vous en tant que parents endeuillés. Focus sur la mort in utéro de votre bébé.
Mort in utéro, qu’est-ce que c’est exactement ?
Il est important de vous informer qu’une mort in utérin, souvent davantage nommée comme « un enfant mort-né », touche plus de 7000 parents par an en France, ce qui représente approximativement 1% des naissances. Cette appellation est spécifique car elle décrit un décès de l’enfant arrivant tardivement pendant la grossesse, elle est nommée ainsi à partir du 6ème mois de grossesse. Il existe aussi des appellations différentes selon la situation vécue : la mort per partum correspondant au décès de l’enfant pendant l’accouchement, et la mort ante partum révélant un décès avant même le début du travail. Dans l’ensemble de ses situations, l’essentiel pour vous, en tant que parents, c’est la PERTE de cet enfant et de vos projets imaginés avec lui donc votre vie ensemble.
Vivre avec un deuil périnatal
Vous allez donc vivre ce que l’on nomme en psychologie un deuil périnatal. Le travail de deuil est un processus avec une grande part d’inconscient et de complexité, imprégné par votre histoire de vie, votre personnalité et aussi des personnes qui vous soutiennent. Le deuil est nommé et vécu lorsqu’une personne est confrontée à la perte d’une personne, d’un objet, d’une situation appréciée/aimée.
Très souvent une personne endeuillée vit des émotions nombreuses, contradictoires et intenses, des troubles psychiques comme une humeur dépressive, une perte d’appétit, de la fatigue, un sentiment de vide et de culpabilité, sans oublier les troubles du sommeil et des difficultés relationnelles. Le deuil ne permet pas d’oublier cette perte, son objectif psychique est de vous permettre d’accepter cette séparation définitive et d’atténuer progressivement les émotions négatives.
Voici quelques préconisations pour vous permettre de vivre votre deuil dit périnatal. Être accompagné pour vivre son deuil est la meilleure défense pour faire face à l’ensemble de vos symptômes, physiques et psychologiques, en lien avec la perte de votre enfant.
- Acceptez l’ensemble des aides apportées par votre équipe soignante sur les premiers instants de ce vécu si traumatique et sur le long terme. L’équipe soignante et administrative de votre structure hospitalière vous apporteront un cadre sécurisant, des repères dans les actions à mener, et non des obligations à suivre. Sachez aussi que, de plus en plus, des professionnels sont formés à cette thématique du deuil périnatal pour vous accompagner de la façon la plus adaptée et personnalisée selon votre vécu.
- Ne banalisez jamais votre perte, ne niez pas votre souffrance à la fois ressentie par vous, votre partenaire et votre famille. Cet enfant a existé et a sa place dans votre cœur et dans votre famille. En lui accordant cette place, vous lui donnez toute sa réalité d’existence.
- Donnez un prénom à votre enfant, faites-le apparaître dans votre livret de famille, dans les albums photos de familles, dans votre arbre généalogique (depuis le 6 février 2008, la loi permet de déclarer un fœtus mort à l’état civil, peu importe son poids et la durée de la grossesse).
- Prenez le temps d’organiser vos rituels funéraires, d’adieu et du souvenir de cet enfant avec votre partenaire et éventuellement vos proches.
- Ne soyez pas dans le refus d’un suivi médical, vous en aurez besoin pour vous sentir mieux corporellement et pour vous aider cognitivement à comprendre les causes de cette situation. Osez poser toutes vos questions, mettre en avant vos doutes, vos peurs et votre douleur.
- N’évitez pas non plus un suivi psychologique individuel et/ou de couple, il vous sera bénéfique pour mettre des mots sur votre douleur, vos peurs, vos angoisses. De plus, de nombreuses études évoquent que les parents sont tous quasi confrontés à des symptômes psychologiques intenses comme un vécu immense de culpabilité, de troubles anxieux et de troubles dépressifs. Avoir un espace à vous pour évoquer sans censure vos difficultés vous libérera de vos émotions négatives non adaptées réellement à votre situation.
- Favorisez le plus possible les échanges avec votre partenaire ou les enfants de la fratrie pour partager vos émotions et aussi vos pleurs. Vous pouvez exprimer votre douleur et même vous autoriser à vous effondrer en famille. Ces échanges vont permettre d’intégrer progressivement votre perte. A vos enfants, il est fortement recommandé d’en parler, d’accueillir leurs émotions, de répondre à toutes leurs questions, de les intégrer dans vos rituels face à cette perte vécue par TOUS. Les ouvrages comme « Maman m’a dit » et « Ma sœur habite au paradis » de Essia Morellon peuvent être utiles pour échanger avec eux ou encore la collection « Léa n’est pas » : http://www.lelivredelea.fr/
- Ne faites pas TOUT pour vous changer les idées et ne plus rien penser ni ressentir, c’est un leurre qui vous fera peut-être du bien sur le moment, néanmoins, l’effet boomerang sera tellement puissant qu’il vous impactera encore plus. Vous pourriez davantage culpabiliser de TOUT faire pour oublier cet enfant, d’avoir éventuellement l’impression de le trahir en tentant de l’oublier trop vite. Ne faites aucun reproche à votre entourage qui n’aura peut-être pas la même façon d’exprimer son ressenti de perte face à vous ou au monde.
- Vous pouvez participer à des groupes de paroles destinés aux mères et/ou parents. Être avec des personnes ayant vécu cette situation de perte vous saura extrêmement bénéfique pour vous sentir compris, considérés, moins seuls et soutenus.
- Votre nouveau projet de grossesse doit prendre son temps, celui de votre reconstruction mutuelle, en lien avec votre vécu de deuil et vos appréhensions face à ce nouveau projet. De plus, si ce projet se concrétise peu de temps après la perte de votre enfant, gardez bien en tête que ce nouvel enfant n’est pas un remplaçant, ni votre pansement, ni un double, ni un substitutif. Il doit avoir sa place propre. Il faut donc éviter de lui donner le même prénom, ou avec des mêmes sonorités. En psychologie, on nomme ce mécanisme de la projection, ce qui peut être néfaste pour vous et aussi pour ce nouvel enfant dans la construction de vos futurs liens. Cet enfant aura aussi sa propre histoire et ses caractéristiques.
- Si vous en ressentez le besoin, rapprochez-vous des associations spécialisées comme « « La Petite Emilie », « AGAPA », « Apprivoiser l’absence » ou des sites comme « Happy End » qui pourront vous apporter un soutien spécialisé et vous mettre en contact avec des thérapeutes, des accompagnants divers, d’autres parents, vous recommander des ouvrages à lire.
- Le 15 octobre est devenu la journée de sensibilisation au deuil périnatal, un jour pouvant vous permettre de faire un témoignage, de mettre en place des actions du souvenir de votre enfant, d’éventuellement vous engager au sein d’associations pour mener des actions de terrain.
- Créez-vous une malle ou un contenant du souvenir avec son bracelet, ses papiers, une mèche de cheveux, la tenue portée, une ou des photos. Vous pourrez l’ouvrir quand vous le souhaitez sans avoir peur de ressentir des émotions à l’égard de votre enfant. Vous pouvez aussi vous autoriser à encadrer une photo de lui et l’accrocher sur un mur de votre domicile.
- Enfin, vous pouvez aussi vous autoriser à nommer votre situation. Il n’existe pas de terme spécifique vraiment en adéquation avec votre vécu. Souvent, vous êtes nommés comme des « parents orphelins » ou « des parents désenfantés ». Des parents ont aussi créé le terme « Mamange et Papange ». Il existe une page web « ça ne se dit pas », où une maman tente de faire reconnaître l’absence de ce mot pour désigner votre situation de parents.
En conclusion, tenez compte de votre singularité face à cette perte, ne vous comparez pas aux autres parents, respectez votre rythme de parents endeuillés. Le temps de reconstruction est individuel et nécessaire pour que vous puissiez parvenir à une forme d’apaisement. C’est un deuil difficile car vous avez perdu un enfant, votre enfant, celui que vous attendiez, qui souvent n’a pas pu rencontrer vos proches, que votre partenaire n’a pu être au contact direct de son enfant « vivant » qu’au travers de votre peau, et puis vous pouvez aussi ressentir une forme de solitude corporelle importante car pas comblée par la présence physique de votre enfant. C’est la fin de 1000 projets positifs pour cet enfant perdu. Toutefois, vous ne l’oublierez pas, vous allez progressivement faire votre deuil pour vous permettre de réinvestir la vie de la façon la plus adaptée possible pour vous.
A lire aussi :
- Fausse couche, comment surmonter cette épreuve ?
- Hyperémèse gravidique, quand ces maux deviennent un enfer
- Mort subite du nourrisson